Maurice Hénaud



Disciple d'Alain Dumaine, Maurice Hénaud, dans Rimbaud et la Modernité : science, sagesse et progrès (notre numéro 146), écrit en collaboration avec Jean Donat, montre que, pour Rimbaud, la vraie conversion est une conversion au monde réel, ce qui implique un rejet de l'idéal chrétien aussi bien que de l'idéal baudelairien.

Dans Claudel récupérateur de Rimbaud (notre numéro 140), il analyse avec précision le délire de Claudel, qui a prétendu voir dans Une Saison en Enfer, non pas l'affirmation absolue du positivisme de Rimbaud (voir l’extrait de Rimbaud et la Modernité donné ci-dessous), mais au contraire une conversion au catholicisme !

Dans un chapitre supplémentaire de Rimbaud et la Modernité, « Ni Claudel, ni Breton, Rimbaud ! », Maurice Hénaud laisse voir que, selon lui, André Breton a prétendu, lui aussi, récupérer Rimbaud à sa manière.

Toutefois, plutôt que de composer son Rimbaud récupéré par André Breton, ou Rimbaud récupéré par le surréalisme, notre collaborateur a préféré écrire d'abord Rimbaud : des secrets pour changer la vie ? Une partie de cet essai est parue dans notre numéro 150. En voici le début :

« Changer la vie ! Nous a-t-on assez rebattu les oreilles de cette formule ! Qu’en pensait Rimbaud ?

« Il a peut-être des secrets pour changer la vie ? Non, il ne fait qu'en chercher, me répliquais-je. » C'est ainsi que, dans Délires I, Vierge folle s'interroge à propos de l'Epoux infernal.

Dans Une Saison en Enfer, Rimbaud semble avoir répondu. Quelles réponses a-t-il apportées ? Quels secrets a-t-il cherchés ? Quels secrets a-t-il trouvés ? A quels secrets a-t-il renoncé ? Plusieurs de ces secrets seront examinés dans cet essai, et, parmi eux : l'alchimie du verbe, la fortune chimique personnelle, les voyages dans l'inconnu, le très pur amour, « quelque chose comme le secret de l'amour », (...) ».



Dans la revue A l'Index, Maurice Hénaud a publié un article où il critique les conceptions d'André Breton relativement à la poésie (extrait donné ci-dessous).

Parmi les poètes du XXème siècle, Maurice Hénaud apprécie particulièrement Henri Michaux, il considère d'ailleurs celui-ci plutôt comme un conteur et un essayiste que comme un poète (article paru dans la revue Diérèse).

Dans notre numéro L'émotion en poésie ! (notre numéro 134), Maurice Hénaud a publié "La Poésie du cœur !", Le Coin de Table récupère Baudelaire ! et Sincérité ? Il y critique les conception de Musset et, dans une moindre mesure, celles de Verlaine ; en matière d'esthétique, il se place du côté de Baudelaire, de Pessoa et de Nietzsche.

Dans notre numéro L'Art contemporain ? – C'est au fond de l'impasse, Maurice Hénaud attire l'attention sur l'importance du livre de Jean-Philippe Domecq : Artistes sans art ?

Dans notre numéro 60, Critique littéraire et déontologie, Jean-Philippe Domecq répond aux questions que Maurice Hénaud lui pose à propos du Pari littéraire et d'Artistes sans art ?

Notre collaborateur est aussi l'auteur d'un essai intitulé : Jaccottet et la poésie française du XXème siècle, publié partiellement dans notre numéro 122, ainsi que dans les revues A l'Index et Diérèse (articles mentionnés plus haut). Cette dernière a aussi publié un petit article de lui sur Pessoa.

Dans notre numéro 88, Maurice Hénaud a publié un article intitulé : Alain, professeur de philosophie et écrivain. Il y écrit notamment, au sujet de cet auteur :

« Sans doute le professorat ne l’a-t-il pas empêché d’écrire les Propos. Mais si Alain a parfois été tenté d’écrire dans d’autres genres ? Le professorat de philosophie n’aurait-il pas étouffé en lui des virtualités créatrices dans d’autres domaines littéraires, virtualités qui eussent pu, peut-être, aboutir à des résultats, si l'auteur avait fait un choix de vie différent ? (…) ». Maurice Hénaud examine la question.

Notre collaborateur a publié un poème en prose, La Révélation, poème critique par rapport à la religion, considérée comme un obstacle au plein développement des facultés humaines (dans notre numéro122, Jaccottet et la poésie française du XXème siècle).



Extraits de Rimbaud et la Modernité : science, sagesse et progrès :



« Verlaine, assurément, n’était pas positiviste :

(…)

Et Rimbaud précise : « Les gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d’herbe les plus ineptes de leur temps. » En somme, de leur temps, les gaulois étaient des arriérés. Connaissaient-ils, d’ailleurs, « la vision des nombres » ?

« La science, la nouvelle noblesse ! s’écrie Rimbaud un peu plus loin. Le progrès. Le monde marche ! Pourquoi ne tournerait-il pas ? »

Sinon, peut-être, parce que l’Eglise a prétendu s’opposer à ce que la terre tourne ?



Apollinaire, lui non plus, assurément, n’était pas positiviste. Il affirme dans Zone :



« La religion seule est restée toute neuve la religion

Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation



Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme

L’Européen le plus moderne c’est vous pape Pie X »



Cette modernité-là est-elle la modernité telle que l’entend Rimbaud ?

Il écrit dans L'Eclair : « “A la science, et en avant !” crie l'Ecclésiaste moderne, c'est-à-dire Tout le monde. »

Tout le monde ? Mais n'existe-t-il pas des « arriérés de toute sorte » (Adieu), des « amis de la mort », dont Rimbaud a lui aussi fait partie, le temps d'une saison. Il a connu leur enfer, comme il le dit dans Matin : « c'était bien l'enfer ; l'ancien, celui dont le fils de l'homme ouvrit les portes. » (le Shéol, le royaume des morts).

La religion, qui a fait du monde le raoyaume des morts, durera-t-elle jusqu'au Jugement Dernier ? « Elle ne finira donc point, cette goule reine de millions d'âmes et de corps morts, et qui seront jugés ! » (Un Jugement à la fin des Temps pour ces cadavres qui ont de gros vers dans le coeur !)

Rimbaud renvoie dans le passé cette horrible vision moyenâgeuse :

« Il faut être absolument moderne.

Point de cantiques. Tenir le pas gagné. »

Le pas du progrès. Toutes les facultés humaines, les Rois de la vie, les trois mages, le coeur, l'âme, l'esprit, se sont en lui mis en marche pour aller saluer, comme il le dit dans Matin, non plus la beauté baudelairienne, mais la naissance du travail nouveau (« le travail humain »), la sagesse nouvelle (« L'Ecclésiaste moderne » !), la fuite des tyrans et des démons et – last but not least – , la fin de la superstition, c'est-à-dire de la religion.

Rimbaud apparaît donc comme un des plus grands adversaires du christianisme qui aient jamais existé. Libre à quiconque, à Verlaine ou à Claudel, par exemple, de ne pas adopter la vision historique que Rimbaud se fait du progrès de l'humanité. Mais libre à nous de mettre en évidence la récupération dont Rimbaud est l'objet, de la part du christianisme ou, aussi bien, d'autres courants de pensée. »

(Extraits du chapitre : Rimbaud, homme de progrès, ne beurrait pas sa chevelure !)



Extraits tirés de Philippe Jaccottet et André Breton. – Une double illusion possible, article paru dans la revue A l'Index :

« (…)

« André Breton, reconnaît Jaccottet, n’a jamais manqué de proclamer son mépris du poète « artisan », du poème en tant qu’œuvre.

(…)

Mais, métrique ou non, poésie ou prose, la ligne de partage, pour moi, se trouve entre ceux qui veulent que la littérature soit un art, et un art exigeant, et ceux qui n’y voient qu’un mode d’expression.

L'exercice d'un art suppose, chez ceux qui veulent s'y adonner, l'existence d'un certain talent, variable selon les individus, qu'il est possible de perfectionner par l'étude, l'expérience et le travail.

Le surréalisme, dans la définition même qu'en donne Breton dans son premier manifeste, ne fait aucune place ni au talent, ni au travail.Voici cette définition :

« Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »

Revenant sur cette définition dans Qu’est-ce que le surréalisme, Breton souligne : « en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale », et apporte la précision suivante : « tout au moins eût-il fallu dire : préoccupation esthétique ou morale consciente ».

Cet inconscient, ne faut-il pas qu’il y ait une conscience pour l’apercevoir ? Et si l’auteur ne doit pas s’apercevoir s’il crée de la poésie, ou non, le lecteur, du moins, est-il autorisé à porter, avec sa conscience peut-être imparfaite, une appréciation sur ce qu’il lit ?

S’en remettre uniquement à l’automatisme psychique ou à l’inconscient pour créer de la beauté et résoudre toutes les difficultés que le poète rencontre dans l’exercice de son art, ne serait-ce pas de l’inconscience ?

Baudelaire a critiqué l’infaillibilité que certains romantiques attribuaient au cœur dans la création poétique ; Breton a tenté de faire croire à l’infaillibilité de l’inconscient ou du désir dans l’exercice de la poésie.

« La grande force est le désir », affirme Breton après Apollinaire. Mais, en matière de poésie comme en beaucoup d’autres domaines, le désir ne suffit pas. Qu’importe que vous désiriez devenir un grand poète, si vous n’avez pas le talent nécessaire, ni l’énergie suffisante pour vous livrer aux immenses travaux que l’art exige ?

André Breton, je le vois comme un anti-artiste, un anti-poète, un chef de parti littéraire, qui s’est efforcé de récupérer les grands écrivains et les grands poètes, par exemple Baudelaire et Rimbaud, au profit du surréalisme et de lui-même.

Que vaut sa quête du merveilleux ? Puisqu’il ne se souciait pas de l’art, elle ne pouvait aboutir, comme elle a fait, qu’à une illusion esthétique.

Que dire de sa philosophie ? Le surréalisme prétend résoudre tous les problèmes de la vie en se débarrassant de ces obstacles que seraient la raison, la morale et la conscience, pour se livrer au seul désir et à la seule pulsion ! Ce simplisme philosophique, ou plutôt anti-philosophique, aboutit, lui aussi, à une illusion.

Jaccottet récupère l’auteur de L’Amour fou (notoirement anti-religieux, rappelons-le) en assimilant ce qu’il appelle le centre au point mystérieux (expressément visé par Breton, affirme-t-il) où se rencontrent les contraires fondamentaux ; ce centre, Jaccottet croit pouvoir l’appeler « l’être, ce point central d’extrême densité où tous les contraires se fondent, ce foyer d’où rayonne une lumière inoubliable. Et rien ne justifierait, poursuit-il, le pouvoir, sauvegardé à travers les temps et les formes, de toute poésie, hors cette lumière, serait-elle même illusion ».

Je soupçonne effectivement une double illusion possible. La fausse poésie n’illumine pas. Si Rimbaud apporte peut-être la satisfaction irrépressible aux amateurs supérieurs (s’il en existe), ce n’est apparemment pas le cas de Breton. Quant à la vraie poésie, pourquoi son pouvoir aurait-il besoin d’être justifié par quelque chose qu’il faudrait appeler l’être ?

Jaccottet prend son parti de l’illusion possible. Qu’importe que le merveilleux ne soit pas un merveilleux authentiquement poétique, puisqu’il lui paraît tel ? Et qu’importe que la lumière qui émane de la poésie soit trompeuse, qu’elle ne provienne pas de ce que l’auteur de L’Entretien des Muses croit pouvoir appeler l’être ? L’essentiel, n’est-ce pas finalement notre subjectivité ?

Mais nous, nous voulons distinguer l’art véritable, celui des vrais artistes et des vrais amateurs, du faux merveilleux qu’on nous présente comme le vrai.

Et, pour la philosophie, nous ne consentons pas non plus à l’illusion : nous sommes convaincus, à la suite de Goethe et de quelque expérience, que « la sagesse n’est que dans la vérité ».



Pour se procurer les ouvrages de Maurice Hénaud, voir Nos publications (dans notre blog, à propos, en haut à gauche).

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